Ma toute première rencontre avec le lynx roux (Lynx rufus), quel moment hallucinant et quel privilège j’ai eus! Avant d'entamer la grosse saison de photos, le printemps, je me suis permis un petit deux semaines au chaud pour relaxer. Malgré tout, j'apporte toujours mon équipement presque complet question de ne pas regretter une occasion en or, et heureusement!
Vous connaissez certainement mon amour pour les lynx, ayant passé des mois sur leurs pistes ici au Québec. Comme je m'informe toujours sur les milieux naturels que je visite, par intérêt, je savais que le lynx roux était présent dans cette région des États-Unis et un peu partout en fait. Mes attentes étaient toutefois basses comme je sais que ce sont des animaux furtifs, discrets et rarement observés.
Lors d'une magnifique soirée, en roulant dans une réserve faunique, j'aperçus une silhouette dans un sentier de randonnée juste sur ma gauche. Court sur pattes, foncé, trempé, proie en gueule, relativement petit, mais en même temps assez gros, je n'avais d'abord pas idée à qui j'avais affaire. Quelques secondes plu tard, je réalise... "Bobcat!!!" dis-je en chuchotant d'une voix presque tremblante. Je capte rapidement deux clichés alors qu'il me regarde droit dans les yeux. Il quitte au même moment un peu plus loin, hors de ma vue. J'étais déjà comblé d'avoir pu observer ce magnifique animal, mais je décide tout de même d'aller explorer les environs, " si jamais..."!
D'une démarche silencieuse, le coeur qui bat rapidement, j'entame la très courte randonnée vers le belvédère d'observation d'oiseaux. J'arrive devant la grande passerelle de bois au bout de laquelle se situe une plateforme au-dessus d'un marais. Illuminé par la chaleur du soleil couchant, couché sur les planches de bois vieillies par l'air salin, il est là, en pleine dégustation de son lapin des marais. Je capote... il est si concentré qu'il ne me voit pas!
Je me couche au sol et je l'observe de mes deux yeux aussi ronds que les siens à ce moment. La lumière, la beauté de cet animal, le silence qui règne, j'ai peine à croire ce que je photographie. Par mégarde, je fais craquer une branche et je l'alerte de ma présence sur les lieux. Un regard aussi profond et intense que celui du lynx, ça grave une mémoire.
En constatant que je l'observais, il commence à faire les 100 pas autour de son restant de repas avant de se rassoir. Je perçois ce comportement comme un signe de stress et je décide que c'est le temps de lui laisser son espace, la nature m'a déjà assez gâté pour ce soir. Au même moment, il commence à marcher vers moi, doucement, furtivement, le regard perçant, mais en même temps rassurant. Jamais je n'ai ressenti d'agressivité, mais plutôt une curiosité joueuse d'un félidé étonné que je reste devant lui aussi longtemps. À environ 10 mètres de ma lentille, après un échange de regards qui a duré quelques secondes, mais qui semblait durer l'éternité, il s'arrête et rebrousse chemin vers le bout de la passerelle. Le moment parfait pour me retirer en tout respect!
En marchant vers la van, rempli de gratitude et de fascination, je me retourne une dernière fois vers le belvédère. Le lynx a grimpé sur le toit de celui-ci, la tête tournée vers moi, dans les dernières lueurs du jour. Je sais que c'est sûrement plus pour s'assurer que je quittais réellement, mais j'ai tout de même perçu la scène comme étant sa façon me dire au revoir...
Merci infiniment de prendre le temps de me lire et regarder mes images. Si vous êtes des amoureux des lynx comme moi, vous pouvez commander des impressions et cadres de plusieurs photos de ces nobles bêtes. Les liens sont ci-dessous! N'hésitez pas à me laisser vos commentaires.
Jean-Christophe
J’adore la poésie, et ton récit c’est tout à fait une ode à ce lynx roux magnifique, qu’on dirait qu’il te ressemble… M. le photographe, à l’œil du lynx ! Quel beau travail tu fais !
Un régal de vous lire. Quant aux photos elles sont extraordinaires. Cet animal est fascinant et tellement bien mis en valeur. Je comprends l’emotion ressentie dans cet instant que la vie vient nous offrir parfois pour avoir vecu un moment similaire avec un ocelot.
Mille bravos
Non seulement photografe mais écrivain et poète…i enjoy every second of your tale…me sentant partie de toi
Bonsoir,
Un grand merci pour vos partages, pour le respect que vous témoignez au monde animal et les sublimes images que vous réalisez. Là, je suis juste subjuguée, ce lynx est magnifique et j’imagine à quel point vous avez dû vous sentir chanceux ! Bonne continuation !
Les quelques dizaines de secondes passées à plonger mon regard dans celui du renard arctique, mon tout premier, auront suffi pour réanimer ma motivation. Dès l’aube, en fait bien avant, je suis déjà prêt à affronter le froid pour partir à sa recherche. Comme il semble avoir des habitudes plus nocturnes, j’adopte le même comportement pour maximiser mes chances de le croiser à nouveau. Pas de chance ce matin là.
J’ai longtemps hésité à partir de nouveau sur le territoire d’Eeyou-Istchee Baie-James cet hiver. Non pas en raison de l’aventure de l’an dernier telle que racontée dans mon livre Taïga, mais surtout parce que je considérais que les images obtenues durant ce périple allaient être difficiles à surpasser. Comment vivre plus d’émotions que durant un après-midi complet à photographier une famille de lynx du Canada ? Ou encore lorsque 20 caribous foncent directement vers moi ? Puis, la distance à parcourir entre Rimouski et la route Transtaïga est elle aussi non négligeable. Plus de 20 heures de voiture et tout près de 2000 km, en partie sur des chemins très isolés. Malgré tout, une espèce qui est rarement, voire jamais, observée dans cette région m’a convaincu de prendre le volant et repartir à l’aventure.
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Jean-Christophe Lemay
Auteur
Photographe de nature professionnel basé à Rimouski, au Québec.