par Jean-Christophe Lemay mars 20, 2025 5 Commentaires
Les quelques dizaines de secondes passées à plonger mon regard dans celui du renard arctique, mon tout premier, auront suffi pour réanimer ma motivation. Dès l’aube, en fait bien avant, je suis déjà prêt à affronter le froid pour partir à sa recherche. Comme il semble avoir des habitudes plus nocturnes, j’adopte le même comportement pour maximiser mes chances de le croiser à nouveau. Pas de chance ce matin là.
Normalement, je prendrais une pause quelque part vers 11 h lorsque la lumière est plus dure et les animaux moins actifs. En expédition en terrain nordique, je n’arrête simplement pas. Du matin jusqu’au soir, j’investis tout mon temps dans la recherche du moindre signe de présence. Plus de 80 % de mes heures en nature représentent du repérage, si ce n’est pas plus. Il reste plus ou moins 10 % pour la prise de photos et la balance, de la pure contemplation.
Le soleil s’approche à nouveau de l’horizon lorsqu’un camion s’arrête non loin d’où je marchais.
— Salut, qu’est-ce que tu cherches comme ça ?
— Les renards arctiques ! Ceux qui sont complètement blancs. J’en ai aperçu un hier soir, mais je ne l’ai jamais revu malheureusement.
— Ah oui ! On vient tout juste d’en observer un le long de la route, il mangeait une petite poule. Ça aurait pris de méchantes belles photos avec ton appareil ! On a essayé de lui donner des sandwichs, mais il était très peureux. Sont pas comme les roux, hein !
À ce moment précis, il reste une vingtaine de minutes avant que le soleil ne se couche. J’ai deux options. Je demeure en place en espérant revoir le même individu qu’hier, ou je file vers celui qui « mange une petite poule » le long du chemin. Qui n’essaie rien n’a rien. Je cours vers la fourgonnette, je démarre le moteur et je prends la direction indiquée par mes interlocuteurs. Rouler plus rapidement n’est pas une option ici, la route est remplie de bosses qui malgré mes nombreux passages, ne cessent de me surprendre.
Sur place, il ne reste que quelques plumes blanches qui seront bientôt emportées par le vent. Les renards arctiques parcourent de très grandes distances à la recherche de nourriture. S’il était présent il y a une trentaine de minutes, il peut être plusieurs kilomètres plus loin en forêt en ce moment. Je décide de poursuivre sur la route, ce qui me permettra de couvrir le plus de terrain possible avant qu’il ne fasse noir. Cette stratégie s’avère être la bonne. Environ 3 kilomètres au sud, j’observe mon deuxième renard arctique à vie.
Le simple fait de le voir me rend si heureux. Je capte quelques images lorsqu’il s’arrête pour me regarder. Je le laisse ensuite reprendre son chemin dans la nuit. Rempli d’excitation par cette nouvelle rencontre, je ne ferme pratiquement pas les yeux jusqu’au lendemain matin.
Les 2 jours qui suivent cette soirée sont absolument magiques. J’ai le privilège de recroiser cet individu plusieurs fois, dans des conditions hallucinantes. Mon premier défi : photographier ce visiteur du nord dans son environnement naturel et non sur la route. Il semble passer la majorité de son temps sur la neige compacte le long du bitume. C’est tout à fait normal à bien y penser. Il est beaucoup plus facile pour lui de s’y déplacer et on y retrouve une grande abondance de proies. Je remarque cependant qu'il semble bifurquer vers la lisière lorsqu'une voiture passe à ses côtés. Couché dans la neige, vêtu de vêtements blancs, je profite de ces brefs instants durant lesquels il serpente au travers des épinettes pour prendre des photos. La neige est profonde, mais lui semble flotter sans efforts à la surface.
Mon deuxième défi : tenter de toujours bien prévoir ses déplacements et être en avance sur lui. Les deux hommes qui m’ont informé de la présence de ce renard dans le secteur avaient raison. Il n’a pas la curiosité de ses cousins roux de la région et j’en suis bien heureux. Comme dit dans la partie 1 de ce récit, je préfère observer des animaux réellement sauvages plutôt qu’habitués aux humains. Toutefois, je dois comprendre sa trajectoire et me positionner en conséquence. Je répète le même processus plusieurs fois pour toujours le devancer et éviter le dérangement le plus possible. Tout fonctionne à merveille. Je savoure chaque instant à ses côtés sans savoir s’il s’agit d’une ultime rencontre avec lui.
Vers 9 h le jour qui s’avéra être mon dernier sur place, une percée de soleil illumine le paysage givré par la nuit polaire. À cet instant, le renard arrive au trot sur la route. Il me repère rapidement, comme d’habitude. Plutôt que de me contourner, il s’arrête devant moi dans la plus belle lumière que j’ai pu voir depuis mon arrivée ici. Les couleurs chaudes sur son pelage contrastent avec le froid de la neige. Il me lance un profond regard qui me donne des frissons même au travers de mon appareil photo. Puis, il ferme doucement les yeux pendant 2-3 secondes avant de poursuivre vers la forêt. Pour moi, il s’agit d’un au revoir. J’absorbe tout ce que je peux de ce moment éphémère et je le remercie de m’avoir accordé sa confiance le temps de quelques jours.
Merci de m'avoir lu! Pour ceux qui aimeraient des images de ces splendides renards arctiques, les liens sont ci-dessous. Si vous aimez me lire, il y a également mon livre TAÏGA qui est toujours disponible.
mars 21, 2025
Tellement touchée par la beauté des photos, du sujet, et de l’aventure! J’en ai pleuré! Merci encore et toujours!
mars 21, 2025
Merci de nous faire vivre ces merveilleux moments dans la nature!! Tes photos sont sublimes 🤩😍👌
mars 21, 2025
Merciiii pour ce bel article et ces belles photos du renard arctique. Grâce à vous on voyage et on profite de vos belles aventures , mais sans le froid glacial qui vous entoure . 😉 👍
mars 20, 2025
Un régale de lire cette partie 2 !!! Tes images de cette boule de poils sont sublimes !!! Merci 😃
mars 20, 2025
Magnifique récit et magnifiques photos, quel talent ! C’est un plaisir de vous suivre.
par Jean-Christophe Lemay mars 11, 2025 10 Commentaires
J’ai longtemps hésité à partir de nouveau sur le territoire d’Eeyou-Istchee Baie-James cet hiver. Non pas en raison de l’aventure de l’an dernier telle que racontée dans mon livre Taïga, mais surtout parce que je considérais que les images obtenues durant ce périple allaient être difficiles à surpasser. Comment vivre plus d’émotions que durant un après-midi complet à photographier une famille de lynx du Canada ? Ou encore lorsque 20 caribous foncent directement vers moi ? Puis, la distance à parcourir entre Rimouski et la route Transtaïga est elle aussi non négligeable. Plus de 20 heures de voiture et tout près de 2000 km, en partie sur des chemins très isolés. Malgré tout, une espèce qui est rarement, voire jamais, observée dans cette région m’a convaincu de prendre le volant et repartir à l’aventure.
par Jean-Christophe Lemay décembre 29, 2023 9 Commentaires
par Jean-Christophe Lemay octobre 21, 2023 10 Commentaires
Jean-Christophe Lemay
Auteur
Photographe de nature professionnel basé à Rimouski, au Québec.